JEUX de cellule

Chaque mois, prisonniers ou hommes libres,  nous partageons  un « jeu de cellule ». 

Il contient une courte histoire inspirée  de toutes les sagesses du monde, un jeu de silence pour la vivre dans notre cœur et un "mot de Roger" où il témoigne de ce que l'histoire lui a inspiré.

Avec ce jeu de cellule, nous sommes convié.e.s, prisonniers ou pas, à une expérience de liberté intérieure.


Jeu de cellule — avril 2025 — Le pardon

L'histoire

 

Un ancien poème raconte que, quand dans le ciel obscur de notre galaxie, emportées par les vents cosmiques, les âmes au ciel se réunissaient, parfois l’une d’entre elles annonçait : « Je veux aller sur Terre pour apprendre à pardonner ». 

Effrayées, étonnées, les autres âmes alors s’écriaient : « prendre un corps humain, c’est une lourde mission, tu sais. Les hommes ont le cœur dur et leurs poings sont fermés. De la Terre, montent des cris toujours apeurés. » 

L’une suppliait : je vais t’aider. De ton père, je prendrai les traits. Je croirai t’enchanter. Je croirai t’éduquer. Mais toi, longtemps, tu te croiras mal-aimé pour qu’au cœur de tes souvenirs, tu apprennes à me pardonner. 

Une seconde annonçait : je vais t’aider. En ton mari, je m’incarnerai. Dans notre foyer, je serai imparfait. Parfois, je te rudoierai pour que dans la tempête de tes colères, tu apprennes à me pardonner. 

Une troisième implorait : je vais t’aider. En ton ami, je me déguiserai. Un jour, je t’aimerai et l’autre, je te trahirai pour que dans la profondeur de tes chagrins, tu apprennes à me pardonner. 

 

Peut-être pourrions-nous nous rappeler quand nous sentons mal-aimés, ou que la colère nous étreint ou que le chagrin nous laboure, qu’en fait, une âme vient de se sacrifier pour nous apprendre l’Amour.

 


Le jeu de cellule

 

Je m’assieds dans le silence et l’immobilité pendant 20 minutes. 

Quand je le souhaite, je fais le tour de mon corps. Quand je sens une tension, je pose ma main sur elle et je laisse monter le nom, le visage de quelqu’un qui m’a mal aimé, mis en colère ou trahi. 

Puis, je caresse, je masse cette partie de mon corps pendant que je dis du bien de cette personne jusqu’à sentir la paix qui s’installe dans mon cœur.

Puis, je recommence à mon rythme.

 


Le jeu de cellule

 

Nous avons tous deux visages : celui de l’homme ordinaire et celui de l’homme meilleur.

Le premier croit que, pour aller bien, les autres doivent changer et ça lui évite de se changer lui-même. Il accuse les autres et tout le monde a peur de lui. C’est l’homme sans pardon.

Le second sait que, pour que les autres changent, il lui faudra d’abord se changer lui-même. Il essaye d’être juste avec les autres et tout le monde aime être avec lui. C’est l’homme de pardon.

Les deux se bagarrent en nous, lequel allons-nous encourager ?

 

 


Le mot de Roger

 

Lorsque les ténèbres semblent se refermer et qu'il n'y a pas de lumière à voir, regardez en vous, la lumière qui brille en chacun de vous est plus brillante que mille étoiles, Dieu vous a rendu plus fort et plus brillant que vous ne le pensez.

 

 

 



Jeu de cellule — juin 2025 — L'histoire des trois sourds

L'histoire

 

Tous les matins, une femme tellement sourde qu’elle n’entendait rien, se rendait à son champ avec son enfant sur le dos. Un matin, arriva un homme tellement sourd qu’il n’entendait rien. Il s’adressa à elle : « Madame, je cherche mes moutons, les auriez-vous vus ? Parmi eux, j’ai un mouton blessé, je vous le donnerai si vous m’aidez à les retrouver. »

Mais, n’ayant rien entendu, rien compris la femme pensa que l’homme lui demandait où se trouvait son champ. « Là-bas » pointa-t-elle du doigt, étonnée de cette question.

Le berger suivit la direction indiquée et trouva ses moutons en train de brouter. Tout content il les rassembla et vint remettre à la dame le mouton blessé. N’ayant rien entendu, rien compris, elle pensa que l’homme l’accusait d’avoir blessé son mouton. Alors elle se fâcha : « Monsieur, je n’ai pas blessé votre mouton. Allez accuser quelqu’un d’autre !». Voyant la femme fâchée, n’ayant rien entendu, rien compris, le berger pensa qu’elle voulait un mouton plus gros. Et à son tour, il se fâcha : « Madame, c’est ce mouton que je vous ai promis. Il n’est pas du tout question que je vous en donne un plus gros. »

Tous les deux se fâchèrent au point qu’ils finirent par se rendre au tribunal. Et le juge, qui était aussi sourd qu’un pot, écouta la version des deux parties. N’ayant rien entendu, rien compris, le juge se leva soudain et, voyant l’enfant sur le dos de sa mère, il s’exclama : « Monsieur. Cet enfant est votre enfant. Regardez combien il vous ressemble. Vous êtes un mauvais mari pour douter de votre femme. Et vous madame, des petits problèmes comme cela. Ce n’est pas la peine d’en faire une montagne. Rentrez chez vous et réconciliez-vous. »

A l’écoute de ce jugement, l’audience éclata de rire. Que firent le juge, la dame et le monsieur ?

N’ayant rien entendu, rien compris, ils éclatèrent de rire à leur tour.

Et vous, qu’en pensez-vous ? lequel de ces trois personnages est le plus sourd ? Mieux vaut ne pas se dépêcher de donner une réponse…

 


Le jeu de cellule

 

Je m’assois 20 mn immobile et en silence. À mon rythme, je laisse remonter en moi l’image de quelqu’un contre qui je suis fâché.

Le poing serré, je l’accuse avec toute ma colère.

La main sur le cœur, je l’innocente de tout mon cœur jusqu’à retrouver ma paix.

Les deux mains sur le cœur, je déguste la paix retrouvée.

Puis, je recommence à mon rythme.

 


Le mot du mois 

 

En chacun de nous, il y a un homme ordinaire qui croit toujours avoir raison. Il vit enfermé dans son propre monde, prisonnier de sa façon de voir les autres. Il dit qu’il comprend l’autre, mais en réalité, il ne l’écoute pas vraiment car ce qu’il entend surtout, ce sont les accusations qu’il a déjà dans la tête. Et comme l’autre fait de même, cela engendre toujours sur des mésententes, où chacun s’enferme dans son monde, devenant de plus en plus sourd au monde de l’autre.

En chacun de nous, il y a aussi un homme meilleur, qui sait que l’autre a, lui aussi, son propre monde. Il reconnaît que ce monde est différent du sien. Au lieu de se fâcher, il cherche à comprendre la souffrance qui a poussé l’autre à faire ce qu’il a fait ou à dire ce qu’il a dit. Essayer d‘innocenter l’autre de sa surdité ouvre la voie à une bonne entente — celle qui nous fait entendre de plus en plus le monde de l’autre.

 


Le mot de Roger

 

Ceux d'entre nous qui ont été incarcérés savent ce que c'est qu'avoir le sentiment de parler dans l'oreille d'un sourd, d'hommes et de femmes qui choisissent simplement de ne pas nous entendre, qui se détournent et s'éloignent, et pire encore, qui nous regardent en face avec des yeux vides et ne disent rien.

Je sais que pour beaucoup d'entre nous, c'est exaspérant et parfois nous perdons notre patience et notre sang-froid et nous crions sur les officiers, voulant être entendus, voulant, à un niveau plus profond, être simplement considérés comme un être humain et non comme un objet à ignorer.  C'est pourquoi il est vital de s'arrêter et de prendre le temps d'écouter ce que votre codétenu vous dit, parfois nous sommes des thérapeutes les uns pour les autres, nous sommes des consolateurs les uns pour les autres, un ami qui prend le temps d'écouter est vraiment un ami. Prenez quelques instants chaque jour pour prêter l'oreille à quelqu'un qui a l'air stressé, à quelqu'un qui a perdu un être cher. Soyez simplement présent pour quelqu'un qui a besoin d'être entendu. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les autres nous entendent si nous ne les écoutons pas.